Article paru dans « Magic Patch »
n°55
écrit par Myriam Blouin
Quand la musique s’empare d’un coeur
sensibilisé à l’art textile, la mélodie
guide avec poésie la main de la créatrice. Notes et
tissus concertent dans une communion sonore unique en son genre.
Tout commence en
1997... Son intérêt pour le patchwork pousse Anny D. à
s’inscrire, pour deux ans, aux excellents cours de Marie-Rose
M. alors déléguée départementale de
France-Patchwork dans la Manche. A la veille de Noël, le groupe
découvre l’art décoratif des boules incrustées.
A ce jour encore, excepté une soirée hebdomadaire
concédée à son époux, tous les jours et
chaque week-end voient naître leur lot de boules, toujours plus
belles.
Certaines se parent de
plumes duveteuses, d’autres de perles et de pendeloques. Toutes
sont surmontées d’un noeud de rubans vaporeux et
colorés. Tissus précieux et irisés, paillettes,
cordons d’or et d’argent, petits clous de laiton
garnissent les nombreux tiroirs du meuble de métier qu’Anny
s’est vu offrir par son mari, admirable ouvrier du bois. Objets
décoratifs, ravissants et raffinés, ses boules font
l’unanimité des acheteuses des marchés de Noël
bien en peine d’arrêter leur choix.
Portée
par la musique
Et puis un jour,
au charme ludique de la fabrication des boules, vient s’ajouter
une aventure inattendue, à la fois étonnante et
troublante. Anny s’est prise de passion pour la musique de
River Dance qu’elle écoute à longueur de journée,
en boucle à la maison comme dans sa voiture.
Elle en aime les
phrases colorées, les refrains endiablés, les solos
d’instruments qui lui parlent comme des confidences jusqu’au
moment où une idée l’envahit... D’elles-mêmes,
des formes prennent corps et se placent sur un fond. Des couleurs
s’embrasent et, dans l’imagination subjuguée de la
créatrice, tout un tableau se crée sur lequel viennent
danser les sons, les notes et même les silences. Ainsi, de ses
doigts, va naître une partition textile prête à
accompagner le jeu instrumental qu’elle aime tant.
Anny fournit un
travail énorme. Même si elle est portée par la
musique, elle doit la décortiquer et l’analyser à
la seconde près avant d’atteindre son but. Les couleurs
rouges et noires ne font pas parties des gammes qu’elle aime
travailler, ses collections de boules en attestent. Pourtant Anny va
se laisser imposer les coloris, persuadée que ce tableau ne
lui appartient pas. Il est le vecteur de son émotion, le
support de son interprétation d’une musique qui l’a
imprégnée.
“Flamenco”
: un tableau musical
Quand Anny parle de
“tableau animé”, son auditoire s’attend à
une fabrication mécanisée. Or, il n’en est rien.
Quand Anny annonce une animation de plus de six minutes, le
spectateur redoute l’ennui, mais il n’en est rien non
plus ! A peine le jeu a-t-il commencé que la magie opère.
Debout devant son oeuvre, Anny lève légèrement
le bras et, quand débute la musique, sa main devient une
danseuse improbable. Elle effleure à peine le tableau au
rythme de l’introduction à la guitare. Puis les fins
rayons qui zèbrent l’ouvrage deviennent des cordes
qu’Anny fait mine de pincer, comme une harpe de vie au début
de la Création. Les notes s’égrènent puis
s’intensifient alors que la main contourne les éventails,
les caresse d’arrondis en arrondis. Le rythme s’accélère
et devient frénétique alors qu’Anny tapote les
tambourins textiles. Les doigts virevoltent et bondissent sur les
paillettes ou les pointes d’éventails, terres d’accueil
des temps forts. La musique scandée, un moment fougueuse et
puissante, s’apaise doucement, redonnant la part belle à
la guitare flamenco. Le voyage s’achève et le coeur de
l’auditeur reprend une course plus calme après avoir
battu la chamade au rythme des tam-tams et des castagnettes.
L’émotion est à son comble. En cet instant devenu
silencieux, chacun témoigne d’un ressenti différent
qui va de l’enthousiasme aux frissons.
Ce tableau chorégraphique est
difficile à décrire. La “danse” que réalise
son auteur est une interprétation d’amour et de vie qui
trouble le spectateur invité à pénétrer
cette intimité. La fusion entre le tableau, la musique et
l’artiste est une évidence inénarrable. Le site
internet créé par Anny D. pour présenter son
travail mériterait bien un clip vidéo pour permettre à
tous de profiter de ce moment exceptionnel. L’artiste préfère
une présence physique de son public afin de mieux partager
avec lui l’intégralité et la sincérité
de ses sentiments. Une idée très originale à
suivre...
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